Page:Anatole France - Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
de la duchesse de cicogne

pelèrent leur mignon, leur amour, leur cœur, le couvrirent de caresses auxquelles il ne pouvait échapper, car, au premier mouvement qu’il faisait pour fuir, elles lui enfonçaient dans la chair les crochets aigus qui terminaient leurs mains.

— Qu’il est beau ! qu’il est joli ! soupiraient-elles.

Avec une longue frénésie elles le sollicitent à les aimer. Puis, voyant qu’elles ne parviennent point à ranimer ses sens glacés d’horreur, elles l’accablent d’invectives, le frappent à coups redoublés de leurs béquilles, le renversent à terre, le foulent aux pieds et, quand il est accablé, brisé, moulu, perclus de tous ses membres, la plus jeune, qui a bien quatre-vingts ans, s’accroupit sur lui, se trousse et l’arrose d’un liquide infect. Il en est aux trois quarts suffoqué ; et tout aussitôt les deux autres, remplaçant la première, inondent le malheureux gentilhomme d’une eau tout aussi puante. Enfin toutes