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histoire

Boulingrin, qui de nous deux est le plus crédule à l’endroit des fées. Je n’y pense jamais et vous en parlez toujours.

M. de Boulingrin aimait tendrement madame la duchesse de Cicogne, femme de l’ambassadeur à Vienne, première dame de la reine, qui appartenait a la plus haute aristocratie du royaume, femme d’esprit, un peu sèche, un peu regardante et qui perdait au pharaon ses revenus, ses terres et sa chemise. Elle avait des bontés pour M. de Boulingrin et ne se refusait pas à un commerce auquel elle n’était point portée par tempérament, mais qu’elle estimait convenable à son rang et utile à ses intérêts. Leur liaison était formée avec un art qui révélait leur bon goût et l’élégance des mœurs régnantes ; cette liaison s’avouait, dépouillant par son aveu toute basse hypocrisie, et se montrait en même temps si réservée, que les plus sévères n’y voyaient rien à redire.