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de la duchesse de cicogne

de tous ces dommages, ceux auxquels Cloche exposait sa maison en refusant de faire fléchir l’étiquette en faveur d’une fée sans naissance, mais illustre et redoutable, n’étaient ni les plus difficiles à prévoir ni les moins urgents à conjurer.

La vieille Alcuine, enragée du mépris qu’elle essuyait, jeta à la princesse Aurore un don funeste. À quinze ans, belle comme le jour, cette royale enfant devait mourir d’une blessure fatale, causée par un fuseau, arme innocente aux mains des femmes mortelles, mais terrible quand les trois Sœurs filandières y tordent et y enroulent le fil de nos destinées et les fibres de nos cœurs.

Les sept marraines fées purent adoucir, mais non pas abolir l’arrêt d’Alcuine ; et le sort de la princesse fut ainsi fixé : « Aurore se percera la main d’un fuseau ; elle n’en mourra pas, mais elle tombera dans un sommeil de cent ans dont le fils d’un roi viendra la réveiller. »