Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont menacés dans leur fortune et dans leurs emplois. Et ils se croient volontiers nécessaires à la conservation de l’empire, car ce sont pour la plupart des gens intéressés et sans philosophie. Ce ne sont pas pour cela des méchants. Ils sont hommes, et c’est assez pour expliquer leur pitoyable médiocrité, leur niaiserie et leur avarice. Mais qui donc leur opposiez-vous, monsieur Rockstrong ? D’autres hommes également médiocres et plus avides encore, étant plus affamés. Le peuple de Londres les eût subis comme il subit les autres. Il attendit votre victoire ou votre défaite pour se prononcer. En quoi il fit preuve d’une singulière sagesse. Le peuple est bien avisé, quand il estime qu’il n’a rien à gagner ni à perdre à changer de maître.

Ainsi parla l’abbé Coignard, et M. Rockstrong, le visage brûlé, les yeux en feu, la perruque flamboyante, lui cria avec de grands gestes, du haut de son échelle :

— L’abbé, je conçois les voleurs et toutes les espèces de coquins de la Chancellerie et