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Ce fut une grande surprise pour Jean, quand Mme Ewans lui fit « essayer sa chance » à la loterie. Il s’était déjà promené avec la Servien dans les foires de banlieue, mais sa tante l’y avait détourné si énergiquement de toute dépense, qu’il croyait les tourniquets et les tirs réservés à une classe de personnes dont il n’était pas. Mme Ewans prit un grand intérêt au jeu de son fils à qui elle recommanda de pousser fortement la manivelle.

Elle avait sur la chance les idées les plus superstitieuses. Elle « appelait » les gros lots. Elle battait les mains quand Edgar gagnait un coquetier ; les coups malheureux la désolaient, soit qu’elle fût aveuglément cupide pour le bien de son fils, soit plutôt qu’elle vît dans cette malchance un présage. Après deux ou trois tours de perte, elle écarta son fils, fit tourner le disque de bois si brusquement que son faix de porcelaine et de verrerie