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aujourd’hui une leçon plus profitable que tout le misérable enseignement dans lequel je me suis renfermé jusqu’à présent.

« C’est une leçon de philosophie transcendante : Écoute-moi bien, jeune enfant. Si tu t’élèves un jour au-dessus de ta condition et si tu parviens à prendre connaissance de toi-même et du monde, tu reconnaîtras que les hommes n’agissent que par égard à l’opinion de leurs semblables, en quoi ils sont, per Bacco ! de bien grands insensés. Ils craignent qu’on les blâme et souhaitent qu’on les loue.

« Ils ne savent donc pas, les sots, que le monde ne se soucie pas plus d’eux que d’une noisette et que leurs plus chers amis les verront glorifiés ou déshonorés sans perdre une bouchée de leur festin. Apprends de moi, caro figliuolo, que l’opinion ne vaut pas le sacrifice d’un seul de nos désirs. Si tu mets cela dans ta