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Commune ; il croyait plus sage de se taire et meilleur d’être oublié, et il craignait bien que tout cela ne finît tragiquement. Une angoisse l’étouffait.

Parfois, dans ses rêveries, il voyait un arbre sur un peu de ciel, et de grosses larmes lui venaient aux yeux.

C’est là, dans cette cellule, qu’il connut les pâles délices du souvenir.

Il songeait à son bonhomme de père assis devant l’établi, ou serrant la vis de la presse ; il songeait à la boutique pleine de livres et de cartons, à sa petite chambre où il lisait des voyages, le soir ; enfin à toutes les choses familières. Et à chaque fois qu’il repassait dans son esprit l’humble et grêle roman de sa vie, il s’indignait d’en voir tous les épisodes dominés et presque remplis par cet ivrogne, ce mendiant de Tudesco ! Cela était vrai, pourtant ! et qu’il regardât ses études, ses amours, ses périls, il voyait sur