Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gronde. Il gronde depuis un mois ; on ne l’entend plus. Servien et Garneret, portant le képi à passepoil rouge et la vareuse à boutons de cuivre, sont assis sur des sacs de terre et se penchent sur le même livre.

C’était un Virgile, et Jean lisait tout haut les délicieux vers du Silène. Deux jeunes hommes ont surpris le vieillard divin, endormi dans cette ivresse dont il a l’habitude et qui le rend risible en le laissant vénérable ; ils l’ont lié avec des fleurs pour obtenir de lui des chants. Les joues teintes par Églé, la belle Naïade, du suc rouge des mûres, il chante.

« Il chante comment dans le vide immense furent condensés les germes de la terre, de l’air, des mers et aussi du feu subtil ; comme de ces principes sortirent toutes choses et se consolida le tendre globe du monde ; comme alors le sol commença de s’affermir et d’enfermer