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marades, assis dans la chaire au milieu de la grande salle, lisait, selon la règle, un passage de l’Histoire ancienne de Rollin.

Jean, au bout d’une table, le nez sur son assiette de faïence mal essuyée, avait froid aux pieds et mal au cœur. Quelque chose comme du bois pourri restait au fond de son verre, et les domestiques faisaient circuler des plats de pruneaux dont le jus leur lavait les pouces. Parfois, dans le tintement de la vaisselle, la voix âpre du lecteur de dix-sept ans lui arrivait aux oreilles. Il entendit le nom de Cléopâtre et quelques lambeaux de phrases : Elle allait paraître devant Antoine dans un âge où les femmes joignent à la fleur de leur beauté toute la force de l’esprit… sa personne plus puissante que toutes les parures… Elle entra dans le Cydnus… La poupe de son vaisseau était tout éclatante d’or, les voiles de pourpre, les rames d’argent.