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au seuil de cette maison silencieuse. Il oublia sa crainte et son espérance… l’espérance d’être pion ! Il assistait au drame domestique et cruel qui lui était révélé par cette inscription. Un enfant d’une des plus grandes familles de France, un élève de l’abbé Bordier, atteint de phtisie au milieu de ses études inutiles et sortant du collège, non pour jouir de la vie et goûter ces magnifiques plaisirs que méprisent ceux-là seuls qui les ont épuisés, mais pour aller mourir dans une ville du Midi entre les bras de sa mère remplie d’une douleur immense, mais pompeuse, à en juger par le symbole de marbre qui la consacre. Il sentait, il voyait cela. Les trois mots latins qui font dire à cette mère : « Enfants, louez le Seigneur qui m’a pris mon enfant », l’étonnaient par leur piété inhumaine, et il admirait aussi qu’on gardât jusque dans la mort un tel air d’aristocratie.