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devant la gare où quelques personnes se hâtaient à l’approche du train, il vit dans cette confusion une grande femme en mantille embrasser une jeune fille qui partait. Ce visage clair sous la mantille, et ces longues mains fines, qui semblaient nues par volupté, comme il les reconnut ! comme il vit cette femme tout entière en un moment ! Ses genoux fléchirent. Il sentit quelque chose de doux, comme s’il allait cesser d’être. Non ! il ne savait pas qu’elle fût si belle, ni qu’elle eût tant de prix ! Et il avait cru l’oublier ! Il avait cru pouvoir vivre hors d’elle, comme si elle n’était pas à elle seule le monde et la vie !

Elle prit la ruelle qui conduisait à sa maison. Elle marchait d’un pas brusque en laissant traîner sa robe qui s’accrochait aux ronces et qu’elle dégageait en ramenant la main en arrière par un mouvement brutal.

Jean, derrière elle, se frottait contre