Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

échauffée de Jean Servien qui, avec un sentiment sublime et confus, serra la main du vieux misérable. Il ne voyait plus rien distinctement ; il croyait nager dans une atmosphère de métal fondu.

M. Tudesco, qui buvait en ce moment-là un verre de kummel, montra son gilet de toile à matelas.

— « Le malheur, dit-il, est que je suis vêtu à la manière d’un philosophe. Comment me montrer dans un tel coutume chez des femmes élégantes ? C’est dommage ! car il me serait facile de me présenter chez une actrice d’un grand théâtre. J’ai traduit la Jérusalem délivrée, ce chef-d’œuvre de Torquato Tasso ; je pourrais proposer à la tragédienne que vous aimez et qui est digne de votre amour, du moins je le souhaite, une adaptation française de la Myrrha du fameux Alfieri. Quelle éloquence, quel feu dans cette tragédie ! Le rôle de Myrrha est sublime et terrible :