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épouvante. Aubelet ouvrit la bouche. Mais sa langue glacée ne put former aucun son. C’est l’autre qui parla :

» — Adieu ! Je vais où je dois aller. Nous nous reverrons demain.

» Et il s’éloigna d’un pas muet.

» Le lendemain Aubelet fut envoyé en reconnaissance à San Giorgo. Avant de partir, il appela le plus ancien lieutenant et lui donna les instructions nécessaires pour remplacer le capitaine.

» — Je serai tué aujourd’hui, ajouta-t-il, aussi vrai que Demarteau a été tué hier.

» Et il conta à plusieurs officiers ce qu’il avait vu dans la nuit. Ils crurent qu’il avait un accès de cette fièvre qui commençait à travailler l’armée dans les marécages de Mantoue.

» La compagnie Aubelet reconnut, sans être inquiétée, le fort San Giorgo. Son objet ainsi atteint, elle se replia sur nos positions. Elle marchait sous le couvert d’un bois d’oliviers. Le plus ancien lieutenant, s’approchant du capitaine, lui dit :