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— Il était convenable de le faire, répondit messire Jean Bruant. La veille de l’Épiphanie est nommée vigile dans les Sacramentaires, et qui dit vigile dit jeûne.

— Pardonnez-moi, reprit messire Jean Coquemard. J’estime avec d’insignes docteurs qu’un jeûne austère s’accorde mal avec la joie que cause aux fidèles la naissance du Sauveur, dont l’Église continue la mémoire jusqu’à l’Épiphanie.

— Pour moi, reprit messire Jean Bruant, je tiens ceux qui ne jeûnent pas en ces vigiles pour dégénérés de la piété antique.

— Et moi, s’écria messire Jean Coquemard, j’estime que ceux qui se préparent par le jeûne à la plus joyeuse de nos fêtes sont condamnables, comme suivant des usages blâmés par le plus grand nombre des évêques.

La querelle des deux chanoines commençait à s’aigrir.

— Ne pas jeûner ! Quelle mollesse ! disait messire Jean Bruant.

— Jeûner ! quelle obstination ! disait messire