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mes ennemis, et, malheureuse, n’accablerait que mes alliés. De cette bataille j’avais faim et soif. Pour y attirer l’armée florentine j’usai du meilleur moyen que je pus découvrir. J’envoyai à Florence deux frères mineurs avec mission d’avertir secrètement le Conseil que, touché d’un vif repentir et désireux d’acheter par un grand service le pardon de mes concitoyens, j’étais prêt à leur livrer, contre dix mille florins, une des portes de Sienne ; mais que, pour le succès de l’entreprise, il était nécessaire que l’armée florentine s’avançât, aussi forte que possible, jusqu’aux bords de l’Arbia, sous le semblant de porter secours aux guelfes de Montalcino. Mes deux moines partis, ma bouche cracha le pardon qu’elle avait demandé, et j’attendis agité d’une terrible inquiétude. Je craignais que les nobles du Conseil ne comprissent quelle folie c’était que d’envoyer l’armée sur l’Arbia. Mais j’espérais que ce projet plairait aux plébéiens par son extravagance et qu’ils l’adopteraient d’autant plus volontiers qu’il serait combattu par les nobles, dont ils se défiaient. En effet, la noblesse flaira le piège,