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Les Barbares, dont l’ouïe était fine, entendaient venir, faibles, presque imperceptibles, effrayantes, les clameurs latines, lorsque, par delà les mélèzes courbés du vent, ils découvrirent, du haut de la colline de sable, les mâts des navires assemblés dans l’anse du rivage désert. Ils poussèrent un long cri de joie. Et le chef Komm se félicitait de sa prudence et de son bonheur. Mais, ayant commencé de descendre vers le rivage, ils s’arrêtèrent à mi-côte, regardant avec désespoir ces beaux navires vénètes, à la large carène, très hauts de proue et de poupe, maintenant à sec sur le sable, échoués pour de longues heures, tandis que, au loin, dormait la mer basse. À cette vue, ils demeuraient inertes et stupides, courhés sur leurs chevaux fumants qui, les jarrets mous, baissaient la tête au vent de terre dont le souffle les aveuglait avec les mèches de leur longue crinière.

Dans la stupeur et le silence, le chef Komm s’écria :

— Aux navires, cavaliers ! Nous avons bon vent ! Aux navires !