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de guerre, ceignirent leur baudrier d’or et de corail, se coiffèrent du casque à cornes de cerf, de buffle ou d’élan, et tirèrent leur épée, qui ne valait pas le glaive romain. Ils furent vaincus et, comme ils avaient du cœur, ils se firent battre deux fois.

Or il y avait parmi eux un chef très riche, nommé Komm. Il gardait dans ses coffres un grand nombre de colliers, de bracelets et d’anneaux. Il y gardait aussi des têtes humaines trempées d’huile de cèdre. C’étaient celles des chefs ennemis tués par lui-même ou par son père ou par le père de son père. Komm jouissait de la vie en homme fort, libre et puissant.

Suivi de ses armes, de ses chevaux, de ses chars, de ses dogues bretons, de la foule de ses hommes de guerre et de ses femmes, il allait, selon son envie, sur ses domaines illimités, dans la forêt, le long de la rivière, et s’arrêtait dans quelqu’un de ces abris sous bois, de ces métairies sauvages, qu’il possédait en grand nombre. Là, tranquille, entouré de ses fidèles, il chassait les bêtes féroces, pêchait les poissons, faisait l’élève des chevaux, remémorait