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meil. Il était certain que les morts errant dans l’Hadès forment eux-mêmes leur image, puisque nul autre ne la pourrait former pour eux, à moins d’être un de ces Dieux qui se plaisent à tromper la faible intelligence des hommes. Mais, n’étant pas devin, il ne pouvait faire la distinction des songes menteurs et des songes véritables ; et, las de chercher des avis dans les images confuses de la nuit, il les regardait passer avec indifférence sous ses paupières closes.

À son réveil, il vit, rangés devant lui dans l’attitude du respect, les enfants de Kymé auxquels il enseignait la poésie et la musique, comme son père les lui avait enseignées. Il y avait parmi eux les deux fils de sa bru. Plusieurs étaient aveugles ; car on destinait de préférence à l’état de chanteurs ceux qui, privés de la vue, ne pouvaient ni travailler aux champs ni suivre les héros dans les guerres.

Ils tenaient dans leurs mains les offrandes dont ils payaient les leçons du chanteur, des fruits, un fromage, un rayon de miel, une