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repos que je vais prendre ! » Je ne songe ni debout ni couchée, et je ne prends pas mon édredon pour un diable, comme cela arriva à ma cousine. Et si vous me permettez de donner mon avis, je dirai que nous avons assez de livres ici. Monsieur en a des mille et des mille qui lui font perdre la tête, et moi j’en ai deux qui me suffisent, mon Paroissien et ma Cuisinière bourgeoise.

Ayant ainsi parlé, ma gouvernante aida le petit homme à renfermer sa pacotille dans la toilette verte.

L’homonculus Coccoz ne souriait plus. Ses traits détendus prirent une telle expression de souffrance que je fus aux regrets d’avoir raillé un homme aussi malheureux. Je le rappelai et lui dis que j’avais lorgné du coin de l’œil l'Histoire d’Estelle et de Némorin, dont il possédait un exemplaire ; que j’aimais beaucoup les bergers et les bergères et que j’achèterais volontiers, à un prix raisonnable, l’histoire de ces deux parfaits amants.

— Je vous vendrai ce livre un franc vingt-cinq, monsieur, me répondit Coccoz, dont le visage rayonnait de joie. C’est historique et vous en serez content. Je sais maintenant ce qui vous