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un seul : le songe de la vie ; et votre petit livre jaune me donnera-t-il la clef de celui-là ?

— Oui, monsieur, me répondit l’homonculus. Le livre est complet et pas cher : 1 franc 25 cent., monsieur.

Je ne poussai pas plus loin mon entretien avec le colporteur. Que mes paroles aient été prononcées telles que je les rapporte, je n’oserais l’affirmer. Peut-être les ai-je quelque peu amplifiées en les mettant par écrit. Il est bien difficile d’observer, même en un journal, la vérité littérale. Mais si ce ne fut mon discours, c’était ma pensée.

J’appelai ma gouvernante, car il n’y a pas de sonnette en mon logis.

— Thérèse, dis-je, monsieur Coccoz, que je vous prie de reconduire, possède un livre qui peut vous intéresser : c’est la Clef des Songes. Je serai heureux de vous l’offrir.

Ma gouvernante me répondit :

— Monsieur, quand on n’a pas le temps de rêver éveillée, on n’a pas davantage le temps de rêver endormie, Dieu merci ! mes jours suffisent à ma tâche, et ma tâche suffit à mes jours, et je puis dire chaque soir : « Seigneur, bénissez le