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toi et qui se livrent aux faunes, se sont changées en vieilles femmes dégoûtantes quand elles sont venues à moi.

— Hélas ! mon fils, répondit saint Satyre, le temps n’épargne ni les hommes ni les dieux. Ceux-ci ne sont immortels que dans l’imagination des hommes éphémères. En réalité, ils sentent les atteintes de l’âge et penchent avec les siècles vers leur déclin irréparable. Les nymphes vieillissent comme les femmes. Il n’est point de rose qui ne devienne gratte-cul. Il n’est point de nymphe qui ne devienne sorcière. Puisque tu as contemplé les ébats de ma petite famille, tu as pu voir que le souvenir de leur jeunesse passée orne encore les nymphes et les faunes dans le moment d’aimer, et que leur ardeur ranimée ranime leur beauté. Mais les ruines des siècles reparaissent aussitôt après. Hélas ! hélas ! la race des nymphes est vieille et décrépite.

Fra Mino demanda encore :

— Vieillard, s’il est vrai que tu aies atteint à la béatitude par des voies mystérieuses, s’il est vrai, bien qu’absurde, que tu sois un saint, comment demeures-tu dans la tombe avec ces