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mît de transporter et de garder mon tombeau dans l’église conventuelle. Cette faveur leur fut accordée, et je fus transféré en grande pompe dans la chapelle de San Michele, où je repose encore. Ma famille rustique y fut portée avec moi. C’était beaucoup d’honneur ; mais j’avoue que je regrettai le grand chemin où je voyais passer à l’aube les paysannes portant sur leur tête une corbeille de raisins, de figues et d’aubergines. Le temps n’a guère adouci mes regrets, et je voudrais être encore sous le platane de la voie Sacrée.

» Telle est ma vie, ajouta le vieux capripède. Elle coule riante, douce et cachée à travers tous les âges de la terre. Si quelque tristesse s’y mêle à la joie, c’est que les dieux l’ont voulu. Ô mon fils, louons les dieux, maîtres du monde !

Fra Mino demeura quelque temps songeur. Puis :

— Je comprends maintenant, dit-il, le sens de ce que j’ai vu, durant la nuit mauvaise, en la chapelle de San Michele. Pourtant un point reste obscur dans mon esprit. Dis-moi, vieillard, pourquoi ces nymphes, qui habitent avec