Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point troublé, et il arrêta sur le moine un regard ingénu. Dans les rides profondes de son visage, ses yeux bleus et limpides brillaient comme l’eau d’une source entre l’écorce des chênes.

— Homme ou bête, s’écria Mino, je t’ordonne, au nom du Sauveur, de dire qui tu es.

— Mon fils, répondit le vieillard, je suis saint Satyre ! Parle plus bas, de peur d’effrayer les oiseaux.

Fra Mino reprit d’une voix moins haute :

— Vieillard, puisque tu n’as pas fui devant le signe redoutable de la Croix, je ne puis penser que tu es un démon ou quelque esprit impur échappé de l’enfer. Mais si vraiment tu es, comme tu le dis, un homme, ou plutôt l’âme d’un homme sanctifié par les travaux d’une bonne vie et par les mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, explique-moi, je t’en prie, la merveille de tes cornes de bouc et de ces jambes laineuses, que termine un pied noir et fourchu.

À cette question, le vieillard leva le bras vers le ciel et dit :

— Mon fils, la nature des hommes, des ani-