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son tour en fit autant, puis elles regagnèrent l’une après l’autre le tombeau de saint Satyre, où elles entrèrent par une petite fente du couvercle, laissant leur victime étendue dans un ruisseau d’une insupportable puanteur.

Quand la dernière eut disparu, le coq chanta. Fra Mino put enfin se relever de terre. Brisé de fatigue et de douleur, engourdi par le froid, tremblant de fièvre, à demi suffoqué par les exhalaisons d’un liquide empesté, il rajusta ses vêtements et se traîna jusqu’à sa cellule, à la pointe du jour.


À compter de cette nuit, Fra Mino ne trouva plus de repos. Le souvenir de ce qu’il avait vu dans la chapelle de San Michele, sur le tombeau de saint Satyre, le troublait durant les offices et les exercices pieux. Il accompagnait en tremblant ses frères à l’église. Quand il lui fallait, suivant la règle, baiser le pavé du chœur, ses lèvres y rencontraient avec épouvante la trace des nymphes et il murmurait : « Mon Sauveur, ne m’entendez-vous pas vous dire ce que vous même avez dit à votre Père : Ne nous induisez pas en tentation ? » Il avait