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caverne, et le blond feuillage s’emplissait de murmures légers et de rires moqueurs.

Quand toutes les femmes se furent cachées sous les saules, les capripèdes, assis sur l’herbe soudaine, soufflèrent dans leurs flûtes de roseaux et en tirèrent des sons dont toute créature eût été troublée. Les nymphes charmées passaient la tête entre les branches et peu à peu, quittant leurs ombreuses retraites, s’approchaient, attirées par la flûte irrésistible. Alors les hommes-boucs se jetèrent sur elles avec une fureur sacrée. Dans les bras de l’insolent agresseur, les nymphes s’efforcèrent un moment encore de railler et de se moquer. Puis elles ne rirent plus. La tête renversée, les yeux noyés de joie et d’horreur, elles appelaient leur mère, ou criaient : « Je me meurs », ou gardaient un silence farouche.

Fra Mino voulut détourner la tête, mais il ne le put pas, et ses yeux restèrent ouverts malgré lui.

Cependant les nymphes, ayant noué leurs bras aux reins des capripèdes, mordaient, caressaient, irritaient leurs amants velus et, mêlées à eux, les enveloppaient, les baignaient