Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

des Salembeni et dans les boutiques des changeurs. Et, bien qu’il eut l’âme légère et l’esprit vain, il gagnait à la cause du pape force bourgeois et quelques artisans. Instruits de ses intrigues, les magistrats du Mont des Réformateurs le firent amener devant leur sérénissime conseil, et l’ayant interrogé sous le gonfalon de la république, où l’on voit un lion qui s’élance, ils le déclarèrent convaincu d’attentat contre la liberté de la ville.

Il n’avait répondu qu’avec un riant dédain à ces cordonniers et à ces bouchers. Quand il entendit prononcer son arrêt de mort, il tomba dans un étonnement profond, et on le mena comme endormi dans la prison. Mais aussitôt qu’il y fut enfermé, s’éveillant de sa stupeur, il regretta la vie avec toute l’ardeur d’un sang jeune et d’une âme impétueuse ; les images de ses voluptés, armes, femmes, chevaux, se pressaient devant ses yeux, et à la pensée qu’il n’en jouirait plus jamais, il fut transporté d’un si furieux désespoir qu’il frappa des poings et du front les murs de son cachot et qu’il poussa des hurlements tels qu’on les entendait tout à l’entour jusque dans les maisons des bourgeois