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soi-même son désir, son envie et ses blandices. Par quoi il me semble que le péché de chair était excessivement aggravé en elle. Car, bien que ce péché nous sépare de Dieu, ce qui en fait assez concevoir la gravité, il est vrai de dire que les pécheurs charnels sont regardés par le Souverain Juge, en ce monde et dans l’autre, avec moins de colère que les avares, les traîtres, les homicides et que les méchants qui ont trafiqué des choses saintes, en tant que les désirs mauvais que forment les hommes sensuels, étant d’autrui, non d’eux-mêmes, laissent paraître les restes avilis de l’amour véritable et de la charité.

Mais rien de tel ne se montrait aux adultères de madame Eletta, qui, dans toutes ses amours, n’aimait qu’elle seule. Et en cela elle était plus séparée de Dieu que tant d’autres femmes qui ne résistèrent point à leurs désirs. Mais ces désirs étaient d’autrui. Et ceux de madame Eletta étaient d’elle. Ce que j’en dis est pour mieux faire entendre la suite du récit.

À l’âge de vingt ans, elle fut malade et se sentit mourir. Alors elle pleura son beau corps avec une pitié profonde. Elle se fit revêtir par