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des bonnets à poil, des plumets, des aigrettes, des panaches, des lances, des baïonnettes.

Je voyais, je sentais, je créais tout cela. Et, présent dans mon œuvre, j’étais moi-même tout cela, les hommes, les chevaux, les canons, les poudrières et le ciel embrasé et la terre ensanglantée. Voilà ce que je tirais de ma caisse ! Et ma tante Chausson me demandait ce que je ferais d’un tambour !

Quand je rentrai à la maison, elle était silencieuse. J’appelai maman, qui ne me répondit pas. Je courus à sa chambre et à celle des boutons de roses et ne vis personne. J’entrai dans le cabinet de mon père, il était vide. Debout sur la pendule du salon, le Spartacus de Foyatier répondit seul à mon regard inquiet par le geste de son éternelle indignation.

Je criai :

— Maman ! Où es-tu, maman ?

Et je me mis à pleurer.

La vieille Mélanie m’apprit alors que mon père et ma mère étaient partis par la diligence de la rue du Bouloi pour le Havre, avec monsieur et madame Danquin, et qu’ils y passeraient huit jours.