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Cette pensée nous ramène heureusement au sujet de ce discours. Car j’étais sur le point de vous dire que dans la troisième année de mon âge, dix-huitième et dernière du règne de Louis-Philippe premier, roi des Français, mon plus grand plaisir était la promenade. On ne m’envoyait pas au bois comme le petit Chaperon Rouge. J’étais moins agreste, hélas ! Né et nourri dans le cœur de Paris, sur le beau quai Malaquais, j’ignorais les plaisirs des champs. Mais la ville a bien son charme aussi ; ma chère maman me conduisait par la main le long des rues aux bruits sans nombre, pleines de couleurs vives, et tout égayées du mouvement des passants ; et, quand elle avait quelque emplette à faire, elle me menait avec elle dans les magasins. Nous n’étions pas riches ; elle ne faisait pas grande dépense ; mais les magasins où elle fréquentait me semblaient d’une étendue et d’une magnificence impossibles à surpasser. Le Bon Marché, le Louvre, le Printemps, les Galeries n’existaient pas encore. Les plus vastes établissements de ce genre, dans les dernières années de la royauté constitutionnelle, n’avaient qu’une clientèle de quartier. Ma mère, qui était du faubourg