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pas du tout le latin. Un jour, M. Grépinet me demanda d’expliquer un endroit de cet obscur De Viris où il s’agissait des Samnites. Je m’en montrai tout à fait incapable et reçus un blâme public. J’en pris le De Viris et les Samnites en dégoût. Mais mon âme se troublait au souvenir de Rhea Silvia, à qui un dieu donna deux enfants qui lui furent ôtés et qu’une louve nourrit dans les roseaux du Tibre.

Le supérieur, M. l’abbé Méyer, plaisait par sa douceur et sa distinction. Il me reste encore aujourd’hui l’idée que c’était un homme prudent, affectueux, maternel.

Il dînait à onze heures au réfectoire au milieu de nous et portait la salade à sa bouche avec ses doigts. Ce que j’en dis n’est pas pour nuire à sa mémoire. En sa jeunesse, ç’avait été le bel usage : ma tante Chausson m’a affirmé que mon oncle Chausson ne mangeait pas autrement la romaine.

M. le directeur venait souvent nous voir pendant que M. Grépinet faisait la classe. Il nous faisait signe en entrant de rester assis et, passant devant les bancs, examinait le travail de chacun. Je n’ai pas remarqué qu’il s’occupât moins de moi que de mes condisciples