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pas ces tristesses, qui devaient plus tard assombrir ma vie scolaire.

Jugeant que mademoiselle Mérelle m’avait suffisamment appris le français, on me mit au latin et je fus classé, je n’ai jamais su pour quelle raison, parmi les élèves sachant un peu de grammaire et ayant expliqué l’Epitome. Mais est-il toujours si facile de découvrir une raison aux actes des administrations publiques ou privées ? Au temps où l’on me mit dans la classe de M. Grépinet, un penseur à l’œil doux et portant des moustaches gauloises, nommé Victor Considérant, que je vis maintes fois pêchant à la ligne sous le pont Royal, annonçait, sur la foi de Fourier, son maître, que les hommes jouiront d’une bonne administration quand ils se trouveront en harmonie, c’est-à-dire dans un état exactement réglé par Victor Considérant lui-même. Alors un petit animal aussi ignorant que j’étais n’entrera pas dans la classe de M. Grépinet, et la condition humaine s’améliorera sur beaucoup d’autres points. Nous ne ferons que ce qu’il nous plaira ; nous aurons comme les babouins une queue pour nous pendre aux arbres et un œil au bout de cette queue. C’est ainsi du moins que