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essentiels pour mes parents qui avaient des sentiments religieux et des penchants aristocratiques. Ne voulant point se séparer de leur enfant unique, ils ne firent pas de moi un pensionnaire, ce dont je leur garde une reconnaissance qui ne finira qu’avec ma vie. Quant à m’envoyer comme externe deux heures le matin, deux heures le soir, ils ne le jugèrent ni possible, ni désirable. Ma mère souffrait en ce temps-là d’une maladie de cœur et Justine, occupée de la cuisine et du ménage, n’avait pas le temps ; en vérité, de me conduire deux fois le jour au lieu lointain de mes études et de m’y aller chercher deux fois. On craignait d’ailleurs que, dans la maison paternelle, je ne fisse pas exactement, faute de surveillance, les travaux prescrits. Crainte bien fondée, car je ne me serais pas facilement livré aux bonnes études, pendant que Justine préparait dans sa cuisine l’inondation et l’incendie, ou luttait dans le salon avec Moïse et Spartacus. Pour ne me point exiler loin des miens, et cependant me soumettre à une exacte discipline, on me constitua demi-pensionnaire. Justine eut la charge de me conduire à l’institution Saint-Joseph le matin à huit heures, et