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— Ils étaient bien laids, n’est-ce pas, Mélanie, les Cosaques ?

— Oh ! oui. Ils avaient le nez écrasé, les yeux bridés et des barbes de bouc. Mais grands et forts. Et celui qui voulut m’embrasser était bel homme en ce qu’il était, et bien découplé. C’était un chef.

— Et très méchants, les Cosaques ?

— Oh ! oui. S’il arrivait malheur à un quelqu’un des leurs, ils mettaient le pays à feu et à sang. On allait se cacher dans les bois. Ils disaient à tout propos capout et faisaient signe de nous couper la tête. Quand ils avaient bu de l’eau-de-vie, il ne fallait pas les contrarier ; car alors ils devenaient furieux, et frappaient tout autour d’eux, sans regarder à l’âge ni au sexe. À jeun, bien souvent, ils pleuraient du regret d’avoir quitté leur pays et certains d’entre eux jouaient sur une petite guitare des airs si tristes que le cœur se fendait à les entendre. Mon cousin Niclausse en tua un et le jeta dans un puits. Mais personne n’en sut rien… Nous en logions une douzaine à la ferme. Ils puisaient de l’eau, portaient du bois et gardaient les enfants.

J’avais entendu bien des fois ces histoires : elles m’intéressaient toujours.