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J’ai su depuis que le vieux monsieur s’appelait Morisson, et avait été médecin-major dans l’armée anglaise en 1815.

Après la bataille de Waterloo, dînant à la table des officiers, comme on déplorait des pertes illustres, M. Morisson dit :

— Messieurs, vous oubliez un mort, le plus regrettable de tous et celui que nous devons pleurer le plus amèrement.

Et chacun de s’enquérir quel était ce mort.

— L’Avancement, messieurs. Notre victoire, en terminant la carrière de Bonaparte, met fin aux guerres où nous gagnions rapidement nos grades. L’Avancement a été tué à Waterloo. Pleurons-le, messieurs.

M. Morisson donna sa démission et vint habiter Paris, où il se maria et exerça la médecine. Il y mourut du choléra, avec sa femme, en 1848.

Il me souvient aussi que, vers ce temps-là, cheminant accroché au tablier de madame Mathias, je vis un jour dans le salon un homme brun, à gros favoris (c’était M. Debas, surnommé Simon de Nantua), raccommodant, avec un pinceau trempé de colle, le papier vert à ramages qui, fendu et soulevé sur une