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fût très vraisemblable, même à mes propres yeux ; mais cette idée m’épargnait les tourments de la jalousie.

Jamais mademoiselle Mérelle ne m’adressait la parole. J’entendais le son de sa voix, quand elle relisait, tantôt avec une douce mélancolie, tantôt avec une gaîté brillante, quelques phrases qu’elle venait d’écrire. Je n’en pouvais suivre le sens ; il me souvient pourtant qu’elle y parlait de fleurs et d’oiseaux, des étoiles, et du lierre qui meurt où il s’attache. Les cordes de sa voix remuaient harmonieusement les fibres de mon cœur.

Ma chère maman, qui avait sur les participes des idées vraiment superstitieuses, me demandait de temps en temps si j’en étais parvenu avec mon institutrice à cet endroit de la grammaire qui était de tous, selon elle, le plus embarrassant et le plus difficile, surtout en ce qui concerne la distinction de l’adjectif verbal et du participe présent. Je lui répondais évasivement et d’une manière qui l’affligeait en la faisant douter de mon intelligence. Mais pouvais-je lui dire que tout ce que m’apprenait mademoiselle Mérelle c’était ses yeux, ses lèvres, ses cheveux blonds, son parfum, son