Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ma mère lui demanda si elle savait coudre. Elle répondit : « — Oui, madame. — Faire la cuisine ? — Oui, madame. — Repasser ? — Oui, madame. — Faire une pièce à fond ? — Oui, madame. — Raccommoder le linge ? — Oui, madame. »

Ma bonne mère lui aurait demandé si elle savait fondre des canons, construire des cathédrales, composer des poèmes, gouverner des peuples, elle aurait encore répondu « Oui, madame », car, visiblement, elle disait ce « oui » sans nul égard au sens des interrogations qu’on lui posait, par civilité pure, par bonne éducation et bel usage du monde, ayant appris de ses parents qu’il est malhonnête de dire « non » aux personnes considérables.


Or d’aller lui dire non,
Sans quelque valable excuse,
Ce n’est pas comme on en use
Avec des divinités.


Ainsi s’exprime La Fontaine qui n’aurait pas su dire non à mademoiselle de Sillery.

Mais ma mère ne s’enquit pas davantage du savoir de la jeune villageoise. Elle lui dit avec douceur et fermeté qu’elle exigeait une bonne tenue, une conduite irréprochable, promit de