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fille, tant il est doux et timide. Il faut lui faire manger de la soupe pour qu’il devienne un homme.

M’ayant fait signe d’approcher, il me posa la main sur l’épaule :

— Mon petit, tu es dans l’âge où l’on croit que la vie n’a que des sourires et des caresses. On s’aperçoit un jour qu’elle est souvent dure et parfois injuste et cruelle. Je te souhaite de ne pas en faire l’expérience dans des conditions trop pénibles. Mais sache bien et n’oublie jamais qu’avec du courage et de la probité, on surmonte toutes les épreuves.

Son visage exprimait la franchise et la bonté. Sa voix allait au cœur. On ne pouvait soutenir sans émotion le regard de ses yeux qui se mouillaient.

— Mon enfant, la fortune t’a donné d’excellents parents qui te guideront, à l’heure voulue, dans le choix difficile d’une carrière. N’as-tu pas envie de devenir soldat ?

Ma mère répondit pour moi qu’elle ne le croyait pas.

— C’est pourtant un beau métier, repartit le vieillard. Le soldat, aujourd’hui sans pain et sans gîte, couche comme un gueux sur la