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J’étais rouge comme une tomate et, de l’aveu de tous, un vilain petit animal. Ma mère demanda à me voir, se souleva à demi, me tendit les bras, me sourit et laissa retomber sur l’oreiller sa tête fatiguée. Je reçus ainsi, pour ma bienvenue, de sa bouche tendre et pure, ce sourire sans lequel on n’est digne, selon le poète, ni de la table des dieux, ni du lit des déesses.

La circonstance de ma naissance qui m’a paru la plus remarquable, c’est que Puck, qui depuis fut nommé Caire, vint au monde en même temps que moi, dans la chambre voisine, sur un vieux tapis. De basse extraction, Finette, sa mère, avait beaucoup d’esprit. Un vieil ami de mon père, M. Adelestan Bricou, qui était libéral et réclamait la réforme, vantait, sur l’exemple de Finette, l’intelligence du peuple. Puck ne ressemblait pas à sa mère brune et frisée ; il avait le poil jaune, court et rude, mais il tenait d’elle des manières communes et un esprit distingué. Nous grandîmes ensemble et mon père fut obligé de reconnaître que l’intelligence de son chien se développait plus rapidement que celle de son fils et qu’au bout de cinq et six années entières, pour le