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Ma mère l’interrogea sur son pays, sa famille, son état, et, sans doute, il répondit convenablement, car, lorsqu’il fut parti, ma chère maman me dit :

— Il est très gentil, ton frère !

Elle décida qu’on demanderait à son patron, qui demeurait rue des Boulangers, de nous l’envoyer un dimanche.

Je dois en convenir, Adéodat, débarbouillé et dans ses beaux habits, me plut moins qu’avec son bonnet noir et son masque de suie. Il déjeuna dans la cuisine où nous allâmes le voir ma mère et moi, un peu gênés de notre curiosité. La vieille Mélanie nous faisait signe de ne pas trop l’approcher, de peur de la vermine. Il se montra bien poli, mais il refusa absolument de manger avant d’avoir remis sur sa tête son chapeau qu’on lui avait retiré. Ces façons nous parurent un peu rustiques. À y mieux regarder, elles étaient fort nobles, au contraire. Au XVIIe siècle un homme de qualité ne se serait pas mis à table tête nue. Et il était bienséant qu’il portât son chapeau sur sa tête pendant le repas, puisque la civilité l’obligeait à le tirer à tout moment, quand il recevait quelque bon office de son voisin ou qu’il faisait