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Sans doute, je ne savais pas que l’empereur Adrien en adoptant Antonin le Pieux, Antonin en adoptant Marc-Aurèle avaient donné quarante-deux ans de félicité à l’univers. Je ne m’en doutais pas ; mais l’adoption me semblait une pratique excellente. Je ne l’envisageais pas dans des conditions strictement juridiques, car du droit j’ignorais tout. Toutefois, je la concevais environnée de quelque solennité, ce qui n’était pas pour me déplaire, et je pensais vaguement que mes parents mettraient leurs vêtements de cérémonie pour adopter l’enfant que je leur présenterais. La difficulté était de le trouver. D’étroites limites fermaient le champ de mes recherches. Je voyais peu de monde, et dans les familles que je fréquentais, on n’eût point cédé un fils sans une raison puissante, comme celle, par exemple, qui obligea la mère de Moïse à exposer son petit enfant sur le Nil. Certes madame Caumont n’eût jamais consenti à se séparer de l’un de ses potirons. Je pensai qu’il serait moins difficile d’obtenir un petit pauvre, et j’en touchai un mot à mon ami Morin, qui se gratta l’oreille et me répondit qu’il était fort chanceux de mettre un enfant trouvé dans une famille, que