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tenir avec moi-même, que j’eus dès ma plus tendre enfance. En même temps, je souhaitais un petit frère pour l’aimer. Car mon âme était pleine d’incertitudes et de contrariétés.

Un jour, je demandai à ma chère maman de me dire en confidence si elle ne pensait pas à me donner un petit frère. Elle me répondit en riant que non, qu’elle craindrait trop qu’il fût aussi mauvais garçon que moi. Cette réponse ne me parut pas sérieuse. Ma tante Chausson retourna à Angers et je ne songeai plus à ce qui m’avait tant occupé durant son séjour parmi nous.

Mais quelques jours après son départ, quelques jours ou quelques mois (car ce qui me donne le plus de peine en ces récits, c’est la chronologie), un matin, mon parrain, M. Danquin, vint déjeuner à la maison. Le jour était radieux. Les moineaux piaillaient sur les toits. J’éprouvai subitement une irrésistible envie d’accomplir une action étonnante, et, autant que possible, merveilleuse, qui rompît la monotonie des choses. Mes moyens pour concevoir et exécuter une telle entreprise étaient très restreints. Pensant découvrir des ressources dans la cuisine, j’y pénétrai et la