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plus belles manières et beaucoup d’élégance pour son état. Mais je ne l’aimais pas, parce qu’elle était triste.

Concierge d’une maison voisine de celle que j’habitais et qui appartenait à M. Bellaguet, madame Morin tenait la loge avec mélancolie et distinction ; ses traits pâles et flétris auraient convenu à une illustre infortune, et maman disait qu’elle ressemblait à la reine Marie-Amélie. M. Morin relevait bien aussi de la conciergerie et tirait le cordon quand il en était requis. Mais il s’en acquittait comme de la moindre de ses fonctions. Deux emplois importants l’occupaient davantage, celui d’homme de confiance de M. Bellaguet, et celui d’employé à la Chambre des députés. Mon père le tenait dans une telle estime qu’il me laissait en sa compagnie des matinées entières, M. Morin était un homme considéré. Tout le monde dans le quartier le connaissait et il appartenait à l’histoire pour avoir porté dans ses bras le comte de Paris le 24 février 1848.

On sait que, après l’abdication de Louis-Philippe en faveur de son petit-fils et la fuite de la famille royale, la duchesse d’Orléans, quittant le palais envahi, se rendit, avec ses