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filles, par leur air de joie et de bonheur, témoignaient de la tendresse de leur père. Enfin M. Bellaguet jouissait de l’estime générale dans sa maison et était regardé avec considération sur toute l’étendue d’où l’on pouvait apercevoir son bonnet grec et sa robe de chambre à ramages. Par le reste de la terre, on ne l’appelait jamais que ce vieux filou de Bellaguet.

Il avait acquis une célébrité de cet ordre en participant à une affaire d’escroquerie et de corruption qui couvrit le Gouvernement de Juillet des éclats d’un fulgurant scandale. M. Bellaguet était soucieux de l’honneur de son immeuble, et n’y admettait que des locataires irréprochables. Et si, seule entre toutes les habitantes, la belle madame Moser n’avait pas une très bonne renommée, un ambassadeur répondait pour elle, et elle se tenait parfaitement bien. Mais la maison était vaste et divisée en de nombreux appartements dont plusieurs petits, bas et sombres. Les mansardes, plus nombreuses qu’il ne fallait pour loger les gens de service, étaient étroites, incommodes, mal closes, chaudes l’été, froides l’hiver. Sagement M. Bellaguet réservait petits logements, soupentes et mansardes à des