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Averties par un secret instinct de leur grâce à entrelier leurs mouvements, elles se montraient constamment enlacées. Agitant de concert leurs minces jambes nues, brûlées du soleil et de l’eau de mer, elles couraient sur le sable avec des ondulations et des sinuosités comme pour former des figures de danse. Catherine O’Brien était la plus jolie, mais elle parlait mal le français, ce dont s’offusquait mon ignorance. Je cherchais, pour les leur offrir, de beaux coquillages qu’elles dédaignaient. Je m’ingéniais à leur rendre des soins dont elles feignaient ou de ne pas s’apercevoir ou d’être obsédées. Quand je les regardais, elles détournaient la tête ; mais si, à mon tour, je faisais semblant de ne pas les voir, elles attiraient mon attention par quelques agaceries. Elles m’intimidaient ; à leur approche, je ne trouvais plus les mots que j’avais préparés pour elles. Si je leur parlais quelquefois avec rudesse, c’était par peur, par dépit ou par une perversité inexplicable. Marianne et Catherine s’entendaient pour se moquer et rire des petites baigneuses de leur âge. Sur tout autre sujet, elles se querellaient plus souvent qu’elles ne s’accordaient. Elles se faisaient un