choc, ces instincts s’éveillèrent. Il eut soif de carnage et voulut tuer M. Roux et madame Bergeret. Mais il le voulut sans force et sans durée. Il en était de sa férocité comme des quatre dents de loup qu’il avait dans la bouche et comme des ongles de carnassier qui armaient ses doigts ; la vigueur première en était bien diminuée. Enfin M. Bergeret pensa tuer M. Roux et madame Bergeret, mais il le pensa peu. Il fut sauvage et cruel, mais il le fut très médiocrement et durant un espace de temps si bref, que nul acte ne put suivre le sentiment et que l’expression même de ce sentiment échappa par sa rapidité aux deux témoins intéressés à la surprendre. En moins d’une seconde, M. Bergeret cessa d’être purement instinctif, primitif et destructeur, sans cesser toutefois d’être jaloux et irrité. Au contraire, son indignation s’accrut. Dans ce nouvel état, sa pensée n’était plus simple ; elle devenait sociale ; il y roulait confusément des débris
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