Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fantômes étincelants. La magie de la mort est là. Les mosaïques de Saint-Vitale, et des deux Saint-Apollinaire, avec leurs anges barbares et leurs impératrices nimbées, font sentir les délices monstrueuses de l’Orient. Dépouillé aujourd’hui de ses lames d’argent, le tombeau de Galla Placidia est effrayant, sous sa crypte lumineuse et sombre. Quand on regarde par une fente du sarcophage, on croit y voir encore la fille de Théodose, assise sur sa chaise d’or, droite dans sa robe semée de pierreries et brodée de scènes de l’Ancien Testament, son beau visage cruel conservé dur et noir par les aromates et ses mains d’ébène immobiles sur ses genoux. Treize siècles elle garda cette majesté funèbre, jusqu’à ce qu’un enfant, en passant une chandelle par l’ouverture du tombeau, brûlât le corps avec la dalmatique.

Madame Martin-Bellème demanda ce qu’avait fait de son vivant cette morte si obstinée dans son orgueil.

— Deux fois esclave, dit Dechartre, elle redevint deux fois impératrice.

— Elle était sans doute jolie, dit madame Martin. Vous me l’avez fait trop bien voir dans son tombeau : elle m’effraie. N’irez-vous pas à Venise, monsieur Dechartre ? ou êtes-vous las des gondoles, des canaux bordés de palais et des pigeons