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Paul Vence pouvait dire seulement que c’était un sénateur. Il l’avait vu, un jour, par hasard, au Luxembourg, dans la galerie qui sert de bibliothèque.

— J’y venais examiner la coupole où Delacroix a peint, dans un bois de myrtes bleuissant, les héros et les sages de l’antiquité. Il avait cet air pauvre et piteux ; il se chauffait. Il sentait le drap mouillé. Il causait avec de vieux collègues, et il disait en se frottant les mains : « Pour moi, ce qui prouve que la République est le meilleur des gouvernements, c’est qu’en 1871, elle a pu fusiller, en une semaine, soixante mille insurgés sans devenir impopulaire. Après une telle répression, tout autre régime se serait rendu impossible. »

— Mais c’est un très méchant homme, dit madame Martin. Moi qui avais pitié de lui, en le voyant si timide et si gauche !

Madame Garain, le menton mollement assis sur sa poitrine, sommeillait dans la paix de son âme ménagère, et rêvait de son potager sur le coteau de la Loire, où venaient la saluer les orphéons.

Joseph Schmoll et le général Larivière sortirent du fumoir, l’œil encore égayé des propos grivois qu’ils venaient d’échanger. Le général s’assit entre la princesse Seniavine et madame Martin.