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— Il y a un principe, dit-il ; c’est que les hommes doivent être jugés sur leurs actions.

— Et les femmes ? demanda brusquement la princesse Seniavine, les jugez-vous sur leurs actions ? Et comment savez-vous ce qu’elles font ?

Le son des voix se mêlait au tintement clair de l’argenterie. Un air chaud, alourdi de vapeurs, baignait la salle. Les roses appesanties s’effeuillaient sur la nappe. Les pensées montaient plus ardentes aux cerveaux.

Le général Larivière fit des rêves.

— Quand ils m’auront fendu l’oreille, dit-il à sa voisine, j’irai vivre à Tours. J’y cultiverai des fleurs.

Et il se vanta d’être un bon jardinier. On avait donné son nom à une rose. Il en était flatté.

Schmoll demanda encore si l’on connaissait la parabole des Trois Anneaux.

Cependant la princesse taquinait le député.

— Vous ne savez donc pas, monsieur Garain, qu’on fait les mêmes choses pour des raisons très différentes.

Montessuy lui donna raison.

— Il est bien vrai, comme vous dites, madame, que les actions ne prouvent rien. Cette pensée est frappante dans un épisode de la vie de don Juan, qui n’a été connu ni de Molière ni de Mozart, et que révèle une légende anglaise