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vous connaît pas. Je suis l’élu de la nation. Vous êtes les délégués obscurs d’un département. » Il leur prédit le sort des Girondins. Le bruit de ses éperons accompagnait les éclats de sa voix. Le comte Martin en resta tremblant et bègue pour le reste de sa vie, et c’est en tremblant que, tapi dans sa maison de Laon, il appela les Bourbons après la défaite de l’Empereur. En vain les deux restaurations, le gouvernement de Juillet et le second Empire couvrirent de croix et de cordons sa poitrine toujours oppressée. Élevé aux plus hautes fonctions, chargé d’honneurs par trois rois et un empereur, il sentit toujours sur son épaule la main du Corse. Il mourut sénateur de Napoléon III, laissant un fils agité du tremblement héréditaire.

Ce fils avait épousé mademoiselle Bellème, fille du premier président de la cour de Bourges, et, avec elle, les gloires politiques d’une famille qui donna trois ministres à la monarchie tempérée. Les Bellème, gens de robe sous Louis XV, relevèrent les origines jacobines des Martin. Le deuxième comte Martin fit partie de toutes les assemblées jusqu’à sa mort, survenue en 1881. Charles Martin-Bellème, son fils, prit, sans grand’peine, son siège à la Chambre. Ayant épousé mademoiselle Thérèse Montessuy, dont la dot vint soutenir sa fortune politique, il mar-