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Je l’avais nié, j’avais menti, pour ne pas vous affliger, pour ne pas vous irriter. Je vous voyais inquiet, ombrageux. Mais j’avais menti si peu et si mal ! Tu le savais. Ne me le reproche pas. Tu le savais, tu m’as parlé souvent du passé, et puis on t’a dit un jour au restaurant… et tu en imaginais plus qu’il n’y en avait jamais eu. En mentant, je ne t’ai pas trompé. Si tu savais le peu que c’était dans ma vie ! Voilà ! je ne te connaissais pas. Je ne savais pas que tu devais venir. Je m’ennuyais.

Elle se jeta à genoux :

— J’ai eu tort. Il fallait t’attendre. Mais, si tu savais à quel point cela n’existe plus, n’a jamais existé !

Et sa voix, modulant une plainte douce et chantante, dit :

— Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ? Pourquoi ?

Elle se traîna jusqu’à lui, voulut lui prendre les mains, les genoux. Il la repoussa.

— J’étais stupide. Je ne croyais pas, je ne savais pas. Je ne voulais pas savoir.

Il se leva et, dans un éclat de haine :

— Je ne voulais pas, je ne voulais pas que ce fût celui-là.

Elle s’assit à la place qu’il avait quittée, et là, plaintive, à voix basse, elle expliqua le passé.